"...comme un lac noir autour d'une île rayonnante...", texte de présentation général du travail sur marbre de Xavier Malbreil, peut être téléchargé en pdf, ou lu ici.
Voilà un texte de présentation du "Masque d'interprétation".


 
"... comme un lac noir autour d'une île rayonnante..." Sculptures de Xavier Malbreil  
Le marbre est une roche métamorphique. Contre tout constat d'évidence, il est le fruit d'une transformation du calcaire, qui lui-même est issu de la sédimentation d'organismes vivants. Ce travail très lent de solidification s'est déroulé sur des centaines de millions d'années. Pourtant, quand nous le regardons, nous croyons voir une matière intangible. C'est cette caractéristique de solidité, et de résistance aux intempéries, qui a fait choisir le marbre, ou le granit, pour l'inscription - en vue de figer dans le temps ce que l'on voulait transmettre, articles de loi, formules magiques, inscriptions mortuaires, listes de héros tombés au champ d'honneur. Alors que l'on écrivait sur marbre pour laisser à la postérité un message, on écrit aujourd'hui l'instantané de sa vie sur les supports majeurs de communication que sont les smartphones et tablettes numériques. Le smartphone, couteau suisse de la communication, permet d'écrire, et mieux encore de transformer un signal sonore en écrit de façon automatique. Le smartphone permet aussi de payer en caisse, sans contact, par signal numérique. Le smartphone est devenu l'objet magique, capable de tout réaliser. La fascination dont il est l'objet en fait l'équivallent d'un talisman, un objet magique.
Ces nouveaux objets communicants apparus avec la révolution numériques ont produit de nouveaux usages. Mais quels seront les usages d'écriture et de communication dans dix ans, dans cinquante ans? Il serait tentant de confronter cette accélération du temps à une accélération plus grande encore, et d'aller vers le futur, en essayant de deviner les évolutions que prendront les moyens de communication. Vont-ils s'intégrer au corps? Vont-ils se miniaturiser? Vont-ils devenir des hybrides d'objet technologique et de matière vivante? A tous les constats et toutes les questions que j'énonce ici, j'ai voulu trouver une forme d'expression qui reviendrait au marbre, en intégrant les formes et les usages de ce jour. L'usage de ce jour, en 2015, est celui du smartphone comme instrument à tout faire, comme boussole et comme vecteur de la fusion entre l'oral et l'écrit. Voilà donc mon point de départ : sculpter des smartphones, dans le marbre noir d'Izaourt, près de Saint-Béat, à l'échelle 1, et écrire, sur l'écran, au laser, un message.
Quels textes sont gravés sur ces objets en marbre? Dans une de mes oeuvres en ligne, "Le livre des Morts", (livresdesmorts.com), je m'étais attaché à interroger le texte dans sa fonction de médiation entre le monde des vivants et celui des morts. Je conçois mon travais pour cette série, initiée lors d'une résidence au CIRPAC, dans la continuité de ce travail, mais plus précisément encore comme une façon de questionner l'écriture en ce qu'elle articule notre perception du temps - dans une tradition initiée par Saint Augustin. Ecrire sur des formes sculptées en marbre, des formes qui de plus imagineront le futur, est aussi une façon de replacer l'écriture dans une de ses fonctions essentielles, à savoir la médiation entre le monde visible, ici et maintenant, et l'infini de l'invisible qui l'entoure, comme un lac noir autour d'une île rayonnante.
   
   
   
   
   
   

 

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